... ou ce que j'appelais avant "amitié".
Est-ce que cela existe? Quelles en sont nos motivations?
Etudiante, j'avais plein de copines et de copains et je ne me posais aucune question : les copains et les copines, c'était ceux avec qui je rigolais, toujours à l'aise, toujours moi-même.
Aujourd'hui je me demande si ce moi-même était réel ou factice, n'empêche que je me suis amusée (à ma façon - c'est-à-dire, je dois le reconnaitre, très sage, hélas?).
Puis, sans que je sache comment - ce sont amis que vent emporte...- ils m'ont glissé entre les doigts : autres amis, autres fréquentations, je n'ai rien compris. Comment ai-je pu autant m'amuser avec des gens qui sont partis, se sont éloignés, sans explications?
Je me suis alors rabattue sur mes amis d'avant, pas totalement négligés. Mais ça n'était plus ça. Nous nous voyons encore, quand je passe en France, nous déjeunons ensemble, mais il manque le quotidien, la fréquentation. Nous nous voyions de loin en loin, nous ne partageons plus rien.
Mes amies des autres expatriations sont loin. Trop loin. Aller les voir, pour ressusciter le souvenir de moments qui ne sont plus?
Mes amies d'ici : mensonge et Cie. Il faut dire que pour la première fois, j'ai eu une position de "femme de". J'ai du être maladroite. Ce genre de position crée des envies, et je voulais vivre dans le monde de Maya l'Abeille. J'ai voulu partager ce que j'avais avec tout le monde (accès à une piscine et à une plage). Erreur.
J'ai surtout voulu construire une relation sur la relation, et non sur une expérience partagée; exemple : quand on est étudiante, on partage le stress des études avec les autres, d'où les liens. Au travail, de même. La co-expatriation est un lien, mais pas si puissant. Il faut d'abord partager quelque chose pour créer une amitié.
Un texte d'MRY vient à point nommé me donner un élément, peut-être, de mon problème. En cherchant des mais, nous cherchons des pairs, et nous, enfin moi en tout cas, je suis toujours au bord de me noyer dans un quête qui ressemble à une fuite en avant. Et pourquoi? Parce que ce qui me manque, c'est le lien avec l'endroit d'où je viens, ma famille. La relation est si décevante que je cherche ailleurs : mais rien ne peut la remplacer, en fait, sauf par chance.
Je cherche à tout prix à me créer un monde autour de moi; souvent j'ai l'impression que mes "amis" sont un cocon, douillet et protecteur. Ces derniers cinq ans j'ai souvent eu le coeur serré parce que le cocon devenait de plus en plus ténu; la membrane qui me sépare du désagréable monde extérieur est fine.
Et ces derniers cinq ans, j'ai charcuté mes amitiés. J'ai compris, à chaque retour à Paris, que, hélas, le passé était mort. Tous ceux et celles que j'appelais, pour les revoir, et en les revoyant, raviver une ambiance morte, me répondaient, j'avais leurs mots mais rien d'autres.
Prenons un exemple. Donjons et Dragons. Il y a longtemps, toute une bande de mes copains était fan de D&D. Nous avons eu plusieurs soirées (je jouais avec eux, mais mes choix d'alignement et mon caractère faisaient que je mourais en moins de deux; ils n'étaient pas sympa et ne me laissaient guère le temps de me familiariser avec le jeu). Mais j'adorais l'ambiance. Ils partageaient avec moi le goût du Seigneur des Anneaux, des Princes d'Ambre, de Dune, Philip Dick... je pouvais avec eux voyager et faire exister un peu plus ces univers, autour de moi, en moi...
Pendant deux ans je les ai rejoint à chaque partie. Même si je ne jouais pas, je restai là, je m'endormais dans le canapé et j'écoutais leurs aventures. Le Maître du Donjon, un de mes meilleurs amis, inventait de merveilleuses histoires et je voyageais avec eux. Nous étions chez l'un d'entre nous, près des Buttes-Chaumont, je dormais dans le canapé, nous rentrions chez un autre copain avant 5 heures du matin, à pied dans Paris...
Je n'ai plus de contact maintenant qu'avec un seul d'entre eux, que je n'ai pas vu depuis trois ans. Comment ai-je cessé de les voir? Je crois qu'eux-mêmes ont peu à peu espacé leurs parties. Bref, ça c'est terminé. C'était l'un de mes meilleurs souvenirs, je vois encore les deux appart où les aventures étaient organisées... je n'ai plus jamais retrouvé cette ambiance - mais n'ai-je pas rêvé? amplifié? magnifié cette ambiance? Mon désir de faire exister Benedict, Corvin, Legolas (parce que moi, ça fait 25 ans que je suis amoureuse de Legolas, s'il vous plait), Duncan Idaho n'a-t-il pas insensiblement sublimé ces moments?
Quand, il y a trois ans, j'en ai revu un, mon plus proche copain, j'ai eu l'impression horrible d'exhumer un mort. C'était lui et ce n'était pas lui. C'était lui : il jouait à Age of Mythologie, et s'habillait toujours de jean pourri et de t-shirt noirs un peu déchirés. Ce n'était pas lui : marié, il vivait dans un joli appart, qui ne lui ressemblait pas, celui de sa femme, charmante, mais aussi peu assortie au souvenir que j'avais de lui qu'un marteau à une orchidée. Du reste ils ont divorcé.
Voilà pour une partie de mes amitiés de jeunesse.
Que sont mes amis devenus? Que j'avais de si près tenus? Et tant aimés?
Sur un blog, je retrouve, version Scpo, un peu cruelle (il y a du Valmont, quand il finit par être amoureux, chez Benedicte), cette ambiance de sentiments profonds, auxquels on se laisse aller, et je me demande s'il leur arrivera la même chose qu'à moi, si toute cette débauche de sentiments, acidulés et merveilleux, disparaitra. Il me semble que oui, et j'en pleurerais.
Tout ce que j'ai de beau, et d'un peu fou, ce sont mes enfants; pour le reste, je suis devenue raisonnable. Et très efficace! Mais si raisonnable... Comme je voudrais encore croire que l'enfance est éternelle, que les amitiés durent...
lundi 7 mai 2007
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2 commentaires:
Oups, justement, l'article que j'ai écrit et dont tu parles, j'ai dû le supprimer de mon blog. Et d'une pierre deux coups, j'ai déménagé par la même occasion. Du coup tu le retrouveras par là: http://obscenesansmoustache.blogspot.com/2007/05/oh-je-voudrais-tant-que-tu-te.html
Voilà.
Heureuse de t'avoir touchée, un peu.
Excellente nouvelle! Au plaisir de te lire.
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