Cette question est vraiment intéressante pour moi. Avant, quand j’étais plus jeune, je me sentais toujours en tiers et j’étais dominée par le mal-être que ce sentiment faisait naître en moi. Je me sentais toujours cruche, gourde, bécasse.
A chaque pays d’expatriation, ce sentiment a décru, et ici, ce sentiment a disparu. Plus jamais je ne me sens gourde ou cruche. Même quand je mange mes mots, quand je m’embrouille dans mes phrases, je suis à l’aise ; j’ai assumé ma maladresse, mes airs ahuris, et je m’en fous.
Ici, dans ce petit pays, dans cette petite ville, je suis une personne du microcosme ; encore ce soir, à une soirée officielle, j’ai rencontré des gens qui déplorent mon départ, alors que je les connais à peine ; c’est l’effet poster dans une petite pièce : je faisais partie du décor, on m’enlève, ça fait un trou. Il se comblera très bien, comme celui de mes prédécesseurs s’est comblé, mais cela crée un petit vide pour quelques mois.
Mais il s’agit un peu d’une place officielle, si je puis dire ; qu’en est-il en intime ? Ai-je des amis ? j’en ai – mais j’ai des problèmes avec mes amis, je n’aime pas les voir trop, ni qu’ils soient trop nombreux en même temps (dès qu’on est plus de trois, on est une bande de cons – c’est un sentiment constant en moi). Cependant, j’ai toujours été comme cela, y compris en France.
Est-ce que je connais beaucoup de locaux ? Pas beaucoup, mais suffisamment ; mon sentiment en voyageant n’a jamais été de m’intégrer, mais de me faire une vie agréable ; en effet, je suis toujours arrivé quelque part en sachant que j’allais repartir ; ma vie est comme une roulotte ; je regarde le monde extérieur avec curiosité, je sors, mais je rentre dans ma roulotte. Ce sentiment n’amène pas à connaître beaucoup de locaux. Mais il permet de mieux gérer les changements.
Pourtant, depuis sept ans, j’ai tout de même rencontré des gens, et des locaux. Maintenant, je les fuis, vu les situations dans lesquelles je me retrouve (obligée de renvoyer des ascenceurs).
Alors, intégrée ?
Ma réponse est : socialement, oui, mais mon cœur ne s’intègre pas.
Mais de tout cela il ressort quelque chose : la jeune fille angoissée, mal à l’aise, empotée, se tape des soirées où elle se sent parfaitement à l’aise ; c’est un sentiment très agréable. Il faut améliorer : les soirées officielles, ici, c’est du pipi de chat. C’est la soirée officielle de Trifouillis les Oies ; je dois améliorer. J’aurais dominé mes angoisses dans de vraies grandes soirées.
Ce soir, par exemple, j’ai serré la main d'un employé à niveau élevé du consulat; j'étais avec un prof de fac local pour lequel je fais des traductions, et lui, il était tout fier d'être aux côtés d'une prof française, parce que c'est bien, c'est chic, une prof française, il a dit au consul adjoint qui j'étais; mais le consul adjoint n'a pas le même point de vue que lui, il s'en fout, des profs françaises : je suis pour lui une fonctionnaire de niveau inférieur, avec un peu de chance je râle tout le temps, alors qu'un prof de fac local, ça c'est intéressant : voilà comment les gens sont l'un en face de l'autre avec des visions du monde totalement divergentes.
Autre chose : en Espagne, je n’étais pas intégrée ; avant mon passage à l’hôpital et mon frôlage de la mort, je ne parlais pas espagnol. Mais je me suis toujours senti bien en Espagne, dans ce mode de vie. Alors, dans quel cas est-on plus intégrée : dans un pays où l’on est isolée, et pauvre, mais où l’on se sent bien, ou dans un pays où l’on est entourée, riche et où l’on a un personnage social mais en divorce total avec soi-même ?
3 commentaires:
non au contraire ,je crois que j'avais bien compris votre poste et je savais que me question était en décalage.C'était une appréhension de ma part, les études que je commence m'amèneront (je l'espère) à quitter ce pays. J'ai rencontré des expatriés (pas des français)qui que jamais on ne s'intégrait totalement. Je voulais avoir votre point de vue.
je viens de voir que j'oublie en permanence des mots.J'espere etre compréhensible et promets de faire attention.
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